Plus de 50 jeunes massacrés au Mozambique par les militants d’Al-Shabab qui souhaitent y instaurer un califat islamique

« Ici, les gens ont beaucoup souffert. Il y a des centaines de morts, des milliers de personnes qui ont dû quitter leurs maisons. Dans notre province, il y a plus de 200 000 personnes déplacées. C’est une injustice qui crie vers le ciel. »
Dans le nord du Mozambique, un vaste territoire de 300 kilomètres de long et 150 kilomètres de large est désormais aux mains des militants d’Al-Shabab qui y imposent une stricte application de la charia. Au début du mois d’avril, ce groupe de djihadistes a semé la terreur dans le village de Xitaxi et a massacré une cinquantaine de personnes qui refusaient de rejoindre les rangs des islamistes.
Si Al-Shabab était à l’origine une secte marginalisée qui évoluait dans des camps au milieu de la forêt, sa récente allégeance à l’organisation de l’État Islamique lui a offert une montée en puissance sans précédent. Ses militants essaiment les villages, semant la terreur et promettant le pire si les normes établies par leur groupe n’étaient pas respectées. Et leurs actions s’intensifient ces jours-ci dans le Cabo Delgado, la province la plus au nord du Mozambique. Al-Shabab souhaite y établir un califat islamique.
Le 7 avril dernier, c’est à Xitaxi qu’ils se sont rendus. Armando Nhantumbo, journaliste pour le média Savana, parle d’une convocation des habitants de Xitaxi à 13 heures. Du plus jeune au plus âgé, il indique que tous étaient présents. Il ajoute que les insurgés ont ensuite décapité les gens et tiré sur ceux qui s’enfuyaient. Selon lui, la police a retrouvé sur place 52 corps, mais bien d’autres ont péri dans la brousse où ils ont ensuite succombé à leurs blessures.
Orlando Mudumane, porte-parole du Commandement général de la police mozambicaine, a confirmé qu’un « massacre » a bien eu lieu, expliquant que la résistance des jeunes a provoqué « la colère des criminels ».
« Les criminels ont tenté de recruter des jeunes pour rejoindre leurs rangs, mais il y a eu de la résistance. Cela a provoqué la colère des criminels, qui ont tué sans discrimination, cruellement et diaboliquement, 52 jeunes. »
Le 9 avril, à Muambula, cinq personnes ont péri dans une attaque au cours de laquelle une église a également été endommagée. L’Agence Fides précise que l’établissement d’enseignement secondaire du lieu ainsi que la mission de Nangololo, qui comprend l’une des églises les plus antiques de Cabo Delgado ont été saccagés. Les maisons des missionnaires, qui ont réussi à fuir vers Pemba, ont été détruites.
Le 10 avril, les militants se sont attaquées à l’île de Quirimba, où ils ont détenu une soixantaine de personnes pendant plusieurs heures avant de les relâcher. Trois personnes se sont noyées en tentant de fuir, une autre a été abattue. La dernière a été brûlée vive.
L’Aide à l’Église en Détresse s’est entretenue avec l’évêque du diocèse de Pemba, du territoire de Cabo Delgado. Il explique que lors de ces attaques, les militants profitent de la fuite des locaux pour piller leurs vivres et dévaliser leurs maisons.
Selon lui, plusieurs facteurs font de Cabo Delgado une province ciblée par les terroristes. Parmi ceux-ci, les ressources naturelles, mais aussi la précarité et la faible présence de l’État.
« Nous ne savons pas non plus ce qui se cache derrière tout cela, mais nous imaginons que les ressources naturelles sont convoitées. Il y a beaucoup d’intérêts en cause, et ceux qui financent tout cela ont trouvé un terrain favorable en raison de la pauvreté et du manque de perspectives lié au chômage des jeunes. Cabo Delgado a toujours été une province très pauvre, abandonnée de tous, y compris par les autorités. Nous assistons à la somme de tous ces facteurs. »
Selon l’évêque de Pemba, ce contexte terroriste oblige les locaux, les religieux et certaines ONG à quitter les lieux.
« Nous avons des religieux, hommes et femmes, dans toute cette région où les attaques ont lieu. Les représentants des autorités, tels que les enseignants et le personnel de santé, ont quitté la région parce que les bâtiments publics y étaient attaqués. Une grande partie de la population est partie, par peur. Plusieurs organisations non gouvernementales étrangères qui opéraient sur le territoire sont également parties parce qu’elles étaient menacées. J’ai demandé aux missionnaires de partir, parce qu’en tant qu’évêque diocésain, je suis responsable, étant donné que le risque d’attaques était immédiat et qu’ils étaient les seuls à être restés. Les églises ayant commencé à être attaquées, la violence prenait une tournure religieuse. Je dois les protéger, bien qu’ils veuillent revenir dès que possible pour servir le peuple. »
Il en appelle à l’aide et à la solidarité pour le Mozambique.
« Ici, les gens ont beaucoup souffert. Il y a des centaines de morts, des milliers de personnes qui ont dû quitter leurs maisons. Dans notre province, il y a plus de 200 000 personnes déplacées. C’est une injustice qui crie vers le ciel. Les gens d’ici sont très pauvres, et à cause de cette guerre ils sont en train de perdre le peu qu’ils ont. Je demande de l’aide et de la solidarité pour mon peuple, afin qu’il puisse vivre à nouveau en paix, comme il le désire et le mérite. »
M.C.
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